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Cryptage :
un droit démocratique


À toute nouvelle avancée des technologies de l'information, resurgit la vision Orwelienne d'un grand système électronique centralisé contrôlant les faits et gestes quotidiens de chacun. L'autoroute de l'information n'échappe pas à la règle, à juste titre. L'ambition affichée par ses promoteurs est de faire transiter sur une même fibre optique, l'autoroute précisément, la totalité des informations émises et reçues par les individus à travers une multitude de services : communications téléphoniques, courrier, journaux électroniques, vidéothèque à distance, téléachat en temps réel, publicité interactive. Il n'est pas besoin d'être polytechnicien diplômé de l'École supérieur des télécoms pour comprendre les risques que cette unicité fait courir aux libertés individuelles. Il suffirait, en effet, qu'une oreille indiscrète se place à l'écoute de ce canal unique pour connaître tout ou presque des goûts, habitudes, opinions, relations des personnes qui y sont connectées. De plus, les informations étant numérisées, c'est-à-dire sous la forme de données informatiques, leur exploitation par des système automatisés s'en trouverait largement facilitée. Ainsi tomberait l'une des principales limitations de la surveillance permanente à grande échelle : son coût élevé. De là à conclure que tout mot de toute conversation téléphonique sera scruté par un ordinateur, il y a un gouffre. D'autant plus difficile à franchir que, techniquement, la parade existe.

Qu'on l'appelle chiffrement, cryptage ou, plus prosaïquement, codage, le principe de transformation (réversible) d'un message pour en cacher le sens est de notoriété publique. Par un amusant retournement de situation, la numérisation devient un atout puisque tout ce qui se représente sous forme de nombre se prête instantanément au cryptage. La conversation si difficile à protéger sur un téléphone classique peut devenir aussi impénétrable qu'un message ultra secret sur un téléphone numérique. Encore faut-il que le cryptage soit autorisé par la loi et la technique de chiffrement efficace. Sur ces deux points essentiels, les habitudes et tendances de nombreux états réputés démocratiques donnent raison aux "alarmistes".

Les autorités françaises et américaines partagent le même point de vue restrictif mais avec des fortunes diverses. Toutes deux se retrouvent dans la volonté d'imposer aux utilisateurs une technique de cryptage de leur crû permettant aux services de police de "décacheter" toute information codée. Mais là où le "Service Central pour la Sécurité des Systèmes d'Information" qui dépend du premier ministre à réussi à imposer ses vues, la "National Security Agency" américaine agence fédérale, se heurte à une opposition résolue et multiforme.

Devant les menaces répétées de l'administration visant à restreindre la liberté de cryptage, Philip Zimmermann, un ingénieur informaticien spécialisé en cryptographie, a préféré couper l'herbe sous le pied des empêcheurs de communiquer en rond. Il a conçu et diffusé gratuitement à très large échelle un logiciel "Pretty Good Privacy" permettant de protéger efficacement n'importe quel fichier informatique.

L'Electronic Frontier Foundation, un gourpe de pression crée en 1990 pour promouvoir la communication sur les médias électroniques, mène une lutte acharnée pour "faire respecter les droits constitutionnels et la Déclaration des droits l'homme dans le domaine des communications par ordinateur". Il lance une étrange passerelle entre des communicants resistant aux extravagances policière d'un Etat en pleine poussée sécuritaire et un monde des affaires où le dividende a toujours primé sur l'égalité ou la démocratie.

Ainsi, l'administration essuie-t-elle le feu d'industriels de l'informatique et des télécommunications qui, en bons commerçants, unissent leurs voies à celles de leurs clients. Comment des firmes telles que IBM ou AT&T, qui incarnèrent en leur temps le Big Brother, cohabitent-elles avec des citoyens ordinaires ? Cela tient sans doute à l'universalité de leur argument : "Si le codage que la NSA veut imposer peut être déchiffré par elle, rien ne garantit que des concurrents ou des maffias ne pourront par en faire autant." Tout spécialiste leur donnera raison. Et puisque la NSA refuse de dévoiler les techniques qu'elle met en oeuvre, aucune autorité indépendante ne peut juger sur pièce. Pourtant, le connaisseur qu'est Phil Zimmermann explique que "n'importe quel expert en cryptographie peut vous dire qu'une technique de codage bien conçue n'a pas besoin d'être secrète pour rester efficace."

En Europe, la résistance est loin d'atteindre ce niveau. Heureusement, la France y fait figure de pays des plus restrictifs. Mais tout laisse à penser que la contagion policière risque de s'étendre vers l'Allemagne et les Pays-Bas. Pire encore, le précédent créé par des accords de Schengen tend à démontrer qu'en matière de libre circulation des hommes et des idées le commun dénominateur est systématiquement le plus petit. Dans le supermarché Europe, où seuls les caddies circulent librement, on en viendrait presque à souhaiter que l'information soit vraiment une marchandise.

Asdrad TORRES

remerciements: je tiens à remercier ici les contributeurs qui ont alimenté la messagerie électronique "talk.politics.crypto" dans laquelle j'ai trouvé un "état de la réglementation" dans différents pays du monde.




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Page réalisée par Asdrad TORRES
Dernière mise à jour : Jeu 13 juil 2000