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Nouvelles technologies et fossé culturel


Lorsqu'elle devient un standard sur un marché une technologie devient inévitablement facteur d'exclusion pour ceux qui ne la maîtrisent pas. Ce raisonnement s'applique au produits manufacturés, aux services comme à la "force de travail". Ainsi, loin d'être "l'outil de recomposition" sociale que promettent orateurs et rapporteurs, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ont toutes les chances d'être appeler à jouer ce rôle de filtre. Clairement, les technologies ne sont pas tant en cause que l'univers de référence dans lequel elles se déploient. C'est pourquoi, lorsque les logiques d'exclusion sont enclenchées même la gratuité intégrale des équipements et des services ne suffirait pas a assurer l'égalité d'accès aux futures autoroutes de l'information. Non seulement l'accès à l'information ne résout pas ipso facto le problème majeur du désir de connaissance. Mais encore la maîtrise concrète des technologies ne peut s'opérer en dehors d'un rapport social lié à leur usage. On apprend les NTIC en les utilisant autant qu'on apprend à les utiliser. Outils de communication elle ne prennent tout leur sens que si elles sont partagées entres interlocuteur sachant les intégrer à leur activité professionnelle ou de loisir.

De plus, les technologies de l'information tissent des liens d'interdépendances; elles mettent en oeuvre des réseaux de connaissance bien avant d'être reliés par des réseaux de télécommunications. Un utilisateur passif devra se contenter du spectacle télévisuel. S'il sait utiliser un minitel, il pourra correspondre à travers le courrier électronique et interroger des bases de données. Maîtrisant les outils bureautiques, le réseau deviendra entre ses mains un vecteur d'échange de documents, le transformant en producteur et distributeur d'information. Rompu aux techniques du multimédia, il saura exploiter efficacement et marier interactivement sons, textes et images afin de consommer et produire des informations à haute valeur ajoutée.

Cet homo-multimedia est le prototype de ceux que Robert Reich, ministre du travail des États-Unis appelle les "manipulateurs de symboles". Les seuls auxquels les pays développés proposent une sortie par le haut de la crise de société actuelle. L'écart avec la masse des laissés pour compte ne peut que s'accroître. L'Amérique si prompte à s'enorgueillir d'avoir créé 3,5 millions d'emplois en 1994, a également vu le revenu moyen des ménage y chuter pour la quatrième année consécutive. Comment ne pas y discerner les premiers effets de la réintroduction du salarié précaire et sous-payé, comme catégorie intermédiaire entre l'exclu et le travailleur de plein droit. Ceux-là dont Robert Reich évoque le sort lorsqu'il décrit "une économie du tiers monde peuplée de citoyens américains employés par des entreprises nationales".

Hors des frontières Albert Gore n'y va pas par quatre chemin et parle de "restauration de la suprématie américaine", Bruxelles "d'avantages compétitifs importants". Bref , les NTIC sont une arme technologique multicibles tournée vers les autres pays développés mais surtout vers les nouveaux pays industrialisés. Les constructeurs informatiques américains, par exemple, comptent bien profiter de l'innovation multimédia pour réduire au silence les fabricants taiwanais ou coréens qui avaient osé les concurrencer. Quant aux pays du Sud, les autoroutes de l'informations y agissent avant tout comme un révélateur du fossé qui les sépare des grands pays industrialisés. Sans parler de la dépendance absolue dans laquelle les place les NTIC, leur mise en oeuvre se heurte bien souvent à des limitations d'infrastructure inimaginables au Nord. On en vient à oublier qu'un serveur télématique fonctionnant 24h/24h exige au minimum des réseaux électrique et téléphonique fiables et disponibles. Le directeur de la bibliothèque d'une grande université du Sud à qui l'on proposait d'installer un serveur d'informations était obligé de répondre "que le campus - qui compte des milliers d'étudiants - ne disposait que de deux lignes téléphoniques directes. Celle du recteur et celle du vice-recteur..."

Asdrad Torres




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Page réalisée par Asdrad TORRES
Dernière mise à jour : Jeu 13 juil 2000