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Pascal Renaud
ORSTOM[1]
renaud@orstom.fr
Asdrad Torres
Université de Rennes 2 - Haute Bretagne[2]
torres@ras.eu.org
Il est de la responsabilité des organismes de coopération internationale de mettre en oeuvre les moyens nécessaires permettant à l'Afrique, de s'insérer pleinement dans le réseau mondial d'information et de communication constitué autour de l'Internet. Il s'agit d'encourager le développement de réseaux nationaux reliant la majorité des établissements et des projets produisant ou utilisant de l'information scientifique et technique.
A l'image de ce qu'a connu le Nord, l'accès gratuit pour l'utilisateur final dans les secteurs non commerciaux, notamment ceux de l'enseignement et de la recherche est une condition indispensable au développement du réseau sur une grande échelle. Il permettra d'ouvrir largement l'accès à l'information et d'éliminer l'un des freins majeurs à la communication Nord-Sud et Sud-Sud. Pour atteindre cet objectif, il convient de définir des modes de financement durable associant les établissements bénéficiaires et les opérateurs de télécommunications, à l'exemple de ceux qui sont en vigueur dans pays du Nord.
Enfin, la mise en place de grandes bases de données scientifiques et techniques francophones et l'émergence du savoir-faire nécessaire sont une priorité absolue. L'Internet offre l'occasion de valoriser les connaissances scientifiques de l'Afrique auprès des Africains eux-mêmes comme auprès de tous leurs partenaires.
Collecte, confrontation, échange, diffusion, transfert, partenariat, des réseaux de toutes natures sont manifestement au coeur des dispositifs et des pratiques de recherche pour le développement. Ce simple constat justifierait à lui seul l'intérêt des réseaux électroniques pour le développement. De plus, la place prise par ces derniers, en particulier l'Internet, dans la communication scientifique tend à les instituer comme outils privilégiés de reconnaissance et d'accès à l'information. Vecteurs d'intégration, il est de la responsabilité de tous que les réseaux électroniques ne se transforment pas en agents d'exclusion.
Or, dans le monde contemporain, la maîtrise des technologies de l'information et de la communication dépasse de loin le périmètre des enjeux de recherche. Elle est en elle-même un facteur de développement.
C'est donc dans le cadre d'une coopération étroite entre établissements scientifiques, du Nord et du Sud que les réseaux recherche-éducation pourront se développer de manière durable en Afrique. Le programme RIO, engagé par l'Orstom en 1989, est destiné à fournir aux équipes de scientifiques des pays en développement des outils de communication et d'accès à l'information. Il a permis le démarrage de réseaux dans 10 pays : Sénégal, Mali, Burkina-Faso, Côte d'Ivoire, Niger, Togo, Congo, Cameroun, Kenya, Madagascar, Seychelles. Il regroupe aujourd'hui plus de 2000 utilisateurs regroupé en 150 sous-réseau et "noeuds Internet".
Les collaborations régionales et internationales, forment une composante désormais indissociable de toute activité de recherche. Au Sud, ces collaborations -
notamment entre laboratoires du Nord et du Sud - sont d'autant plus vitales que les structures de recherche sont naissantes et de dimensions modestes.
Ces deux enjeux majeurs font de l'Internet un outil stratégique pour l'émergence d'un potentiel de recherche. De plus, la généralisation et la banalisation de l'Internet dessinent une opportunité exceptionnelle de rattrapage. Elles ouvrent aux chercheurs du Sud l'accès aux centres de documentation dans des conditions techniques comparables à celles de leurs collègues du Nord.
Mais une politique qui se bornerait à éduquer le Sud à la consommation d'informations produites au Nord n'aurait que l'apparence d'une aide au développement. Permettre au Sud d'énoncer ses propres problèmes, d'ouvrir des axes de recherche, de faire valoir des approches sur la scène scientifique internationale, tels sont les objectifs à poursuivre. Le choix des technologies d'Internet fait écho à cet impératif car celles-ci transforment tout abonné du réseau en consommateur aussi bien qu'en producteur. Mais il est primordial d'effectuer les transferts de savoir et d'élaborer des mécanismes de financement permettant à cette potentialité d'être pleinement exploitée. C'est à ce prix que l'on pourra parler du mariage de l'électronique et de l'éthique.
En matière d'équipement, il faut choisir des solutions associant un faible coût, une haute fiabilité dans des conditions climatiques extrêmes et une adaptabilité des produits aux infrastructures de télécommunication disponibles. Dans le cadre du réseau opérationnel RIO, la première condition a été remplie grâce au recours systématique de logiciels du domaine public ainsi qu'au développement et à la diffusion gratuite de composants logiciels répondant aux conditions techniques et culturelles de l'Afrique francophone[3]. La deuxième et la troisième condition, ont orienté le choix vers des "stations de travail" et le système d'exploitation UNIX "Berkeley" (qui fut à la base de la popularisation d'Internet dans les universités américaines). Les installations de télécommunication doivent exploiter toutes les ressources disponibles, depuis la simple ligne de téléphone de mauvaise qualité jusqu'à la ligne satellite à "large bande". Certes les qualités de service seront différentes, mais les utilisateurs pourront communiquer et accéder aux données de l'Internet dans tous les cas de figure.
Sur le plan de l'exploitation, l'accent doit être mis sur des solutions techniques dont les coûts les rendent viables hors du contexte de l'aide au développement. De ce point de vue, l'élaboration et le transfert d'un savoir-faire en tarification et en facturation sont capitaux. L'enjeu est double. D'une part, il importe d'assurer la pérennité économique des réseaux au fur et à mesure qu'ils passent sous contrôle directe et intégral des organismes de recherche locaux. D'autre part, et peut-être plus encore, ce savoir-faire commercial est une condition de l'extension, de la pénétration et de la diffusion des réseaux informatiques au Sud.
Le premier s'intéresse aux équipements et au savoir-faire opérationnel. Il vise à développer la capacité à mettre en oeuvre des serveurs de bases de données sur Internet de type "World Wide Web" dans les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre, à raison d'au moins deux serveurs par pays,
Le second, centrés sur les contenus, s'intéresse à la collecte des données, à leur structuration et à leur valorisation. Il vise au développement de "bases de connaissances multimédias" rendant compte des résultats, des concepts, des disciplines et des outils scientifiques développés autour des problèmes et problématiques de la zone tropicale.
Un tel programme s'inscrit totalement dans la politique de partenariat à long terme associant des établissements scientifiques du Nord et du Sud évoquée précédemment. Il fait appel à deux types de compétence :
- des équipes spécialisées en informatique (École d'ingénieurs, département universitaire...)
- des experts des domaines de connaissances, notamment des chercheurs (Institut de recherche, Université...)
Il s'agit, non seulement d'expérimenter l'usage de nouveaux médias dans la diffusion du savoir, mais de mener ces opérations en collaboration avec des équipes africaines, thématiques et techniques, pour en partager le savoir faire résultant.
- à renforcer les installations actuelles pour leur permettre d'accueillir de grandes quantités d'informations,
- à collaborer avec les établissements africains dans la mise en oeuvre de leurs propres installations dans le cadre d'un réseau national,
- à former les ingénieurs et techniciens qui assureront la maintenance des équipements, les ingénieurs, chercheurs et universitaires qui utiliseront les services et les documentalistes, éditeurs scientifiques et chercheurs qui élaboreront les bases de données et de connaissances.
A l'étape actuelle, les pays participant au projet sont répartis selon le degré d'identification des partenaires concrets et leur niveau d'équipement. Un premier groupe comprend essentiellement des établissements déjà impliqués dans l'Internet (voir annexe). Un second groupe est constitué de pays candidats mais dont l'identification des partenaires opérationnels est en cours. Il comprend les autres pays de la région (Ouest et Centre, notamment : le Bénin, le Ghana, la RCA, la Mauritanie, la Gambie).
Sans attendre, des solutions provisoires sont mises en place. Elles assurent une circulation efficace du courrier électronique et ouvrent à un usage limité d'autres services comme l'accès interactif aux bases de données. Parmi ces solutions, le système "Web-Miroir" offre un service confortable d'accès aux données. Le principe est d'installer sur les sites africains des copies de bases de données implantées au Nord, et réciproquement, d'assurer une visibilité mondiale des bases de données africaines, dont des copies sont installées sur des serveurs localisés en France ou au Canada. Ces derniers offrent l'avantage d'être reliés à des "autoroutes de l'information" de grande capacité.
Les données ainsi assemblées bénéficient de la plasticité éditoriale ouverte par la numérisation des traces. Elles peuvent indifféremment être mise à disposition de tous sur un serveur central, automatiquement expédiées via Internet à des utilisateurs répondants à des profils pré-identifiés, acheminées par le réseau vers d'autres serveurs chargés d'assurer des "dessertes locales" ou encore assemblée et distribuées sur des CD-ROM qui seront exploités en direct ou sur un réseau local. Une telle variété permet d'apporter une réponse adaptée à la multiplicité et "l'évolutivité" des paramètres à considérer : volume de données, vitesse d'obsolescence, distances et coûts de transmission, niveau d'attente de la demande, etc.
Pareille démarche n'est pas exempte de danger. Elle ne peut efficacement se mettre en place sans une certaine centralisation de l'information ni l'établissement de canaux réguliers -
"officiels" pourrait-on dire -
de distribution ; deux mouvements contraires à l'épanouissement de la démocratie au moment même où les techniques numériques sont susceptibles de bouleverser l'équation économique de l'édition et de diffusion de connaissances, au profit d'une plus grande socialisation des savoir. L'objectif fixé se doit donc de justifier et de prévenir ces risques potentiels.
Le projet "Bases de Connaissances Multimedia" vise à mobiliser et coordonner une masse critique de compétences et de moyens nécessaires à la mise au point, au développement et à la dissémination de nouveaux instruments logiciels d'aide à la décision. Ces outils à haute valeur ajoutée seront capables de présenter à des utilisateurs non experts d'un domaine, un ensemble de connaissances acquises par les chercheurs sur un phénomène particulier. Accessibles à travers l'Internet, ils seront d'emblée conçu en vue de leur exploitation la plus large à travers ses interfaces conventionnelles.
L'intérêt de ces outils ne se borne donc pas à la satisfaction d'une légitime curiosité scientifique. Ils visent également les responsables en charge du développement : autorités locales, bailleurs de fonds, organisations spécialisées... En leur donnant accès à des modèles de simulation ou de prévision, ces nouveaux outils leur permettront de disposer d'une meilleure connaissance du domaine concerné (environnement, santé publique, équilibres socio-économiques, interactions entre homme et milieux naturels...) et ainsi d'appréhender plus finement les conséquences prévisibles d'une décision. Ces connaissances et ces données intéressent au premier chef les populations et la société civile des pays concernés, ainsi que nombre d'ONG et d'associations à travers le monde.
Faciliter l'exploitation des résultats de recherche s'inscrit dans cette aspiration démocratique pour autant que les moyens de communication adéquats soient mis en place. Sans mythifier l'impact de l'Internet -
en tant qu'outil de communication de masse -
, l'enjeu à portée de main est d'offrir à une large "élite" l'accès direct aux informations primaires .
Pays Établissements participant au projet Sénégal Centre Orstom de Hann, Dakar ENSUT (Ecole Nationale Supérieure Universitaire de Technologie) Université de Dakar ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agricole) CSE (Centre de Suivi Ecologique) Côte d'Ivoire Centre Orstom de Petit-Bassam, Abidjan INSET (Institut National Supérieur de l'Enseignement Technique), Yamoussoucro CNT IG (Centre national de télédétection et d'Information Géographique) CRO (Centre de Recherche Océanographique) CIRES (Sciences Humaines) Cameroun ENSP (Ecole nationale Supérieure Polytechnique) OCEAC (Organisme inter-Etats de lutte contre les grandes endemies en Afrique centrale) Burkina-Faso ESI (Ecole Supérieure d'informatique) Centre Orstom de Ouagadougou Gabon IAI (Institut Africain d'informatique) Madagascar CITE (centre d'Information technique et économique) Université de Tananarive, Département Mathématique & Informatique LRSAE Kenya RSCMRS (Regional Center for Mapping and Remote Sensing) Mali Centre Orstom de Bamako, CNRST (Centre national de la recherche scientifique et technique) IER (Institut d'Economie Rurale) Niger Centre Orstom de Niamey AGRHYMET (Centre de recherche en Agronomie, Hydrologie & météorologie) Guinée Centre de Recherche halieutique de Bassoura
Page réalisée par Asdrad TORRES
Dernière mise à jour : Jeu 13 juil 2000