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Autoroutes de l'information :
Quelle urgence ?


Pas une semaine ne s'écoule sans qu'une déclaration ne vienne nous rappeler l'urgence absolue qu'il y aurait à bâtir les autoroutes de l'information. En France, le gouvernement promet de relier chaque foyer par fibre optique. A Bruxelles, l'élite politico-administrative européenne fait des inforoutes un chantier stratégique. Pourtant, plus l'objectif est martelé plus il parait contestable. Jamais autant de voix ne se sont élevées pour mettre en garde hommes politiques et grands industriels. Tel patron d'un grand réseau câblé de télévision américain (TCI) prévient que la demande du public a peu de chance d'être au rendez-vous que certains s'obstinent à lui fixer. Tel institut de recherche, mondialement reconnu pour son sérieux et l'excellence de ses collaborateurs (le SRI), annonce de cruelles déceptions aux prosélytes des inforoutes. Mais à l'heure des choix, nos "décideurs" de tous bords semblent faire la sourde oreille.

Cette obstination traduit surtout leur empressement à mettre en place un nouvel ordre européen des communications dont les inforoutes ne sont qu'un aspect. Les maîtres mots de cette réorganisation ? Déréglementation, privatisation ! La première signifie par exemple la possibilité pour un opérateur de télévision par câble de proposer à ses clients des services téléphoniques ou le droit accordé à des constructeurs de matériels téléphoniques de vendre des services de télécommunication. L'un des corollaires de cette déréglementation est, bien entendu, la disparition des monopoles des exploitants publics tels de France Telecom ou Deutsche Telekom. Leur privatisation viendra parachever le décor, laissant le champ libre aux entreprises privées. Cette adhésion aveugle des dirigeants politiques européens au libéralisme les conduit à faire de l'Europe le théâtre de la première déréglementation continentale à ciel ouvert. Souvent cités en exemple, les États-Unis ont une lecture plus pragmatique des principes libéraux. Ils ont pris soin de conduire leur déréglementation en vase clos, et leur loi interdit à toute compagnies étrangères de détenir plus de 20% du capital d'un opérateur de télécommunication.

Au delà des joutes industrielles qu'elle suscite, cette marche forcée ne manquera pas de modifier le paysage culturel. En effet, les nouvelles technologies, couplées à une politique libre-échangiste, facilitent la pénétration du marché européen par les industriels américains de la communication. Les fragiles barrières mises en place afin de contenir l'invasion des programmes à bas prix volent déjà en éclat. La commission européenne, en bon gardien de l'orthodoxie libérale, en déduit que seule l'émergence de conglomérats multimédias européens permettrait de résister au rouleau compresseur des grandes firmes d'outre-Atlantique. Il est cependant permis de douter des bienfaits de telles concentrations. L'Europe des peuples mérite mieux que la soumission de la culture et de l'information aux impératifs de l'industrie et de la finance.

Asdrad TORRES




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Page réalisée par Asdrad TORRES
Dernière mise à jour : Jeu 13 juil 2000