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Contre Internet ?


Face au modèle traditionnel d'autoroutes de l'informations promis par les multinationales, de l'informatique, des télécoms et des media, le réseau Internet fait figure d'alternative. Certains y voient un modèle porteur d'espérances face à l'argent roi, au pouvoir des firmes, à la communication canalisée ou au contrôle social : presque une métaphore de la démocratie[1]. Son utilisation par de nombreuses associations progressistes[2] est un exemple souvent cité à l'appui de cette opinion. Ce réseau international n'a-t-il pas servi à dénoncer l'exécution programmée du journaliste américain Mumia Abu-Jamal[3] ou les exactions de l'armée mexicaine au Chiappas[4] ? Des expériences qui illustrent à merveille le bénéfice que les sources de "contre information" peuvent tirer de ces nouvelles technologies.

Aujourd'hui, les conglomérats multimedia -- ceux-là mêmes qui menacent de vider de tout contenu social les autoroutes de l'information -- font une entrée en force sur l'Internet. Nombre d'autres marchands de produits et services n'attendent que la sécurisation du paiement électronique pour s'engager pleinement sur ce réseau tandis que les plus hardis y ont pris pied sans tarder. Au final, la composante commerciale croit plus vite que le noyau originel, nourrissant la crainte d'une "dénaturation" du réseau. La tentation est alors grande de le défendre le "système internet". Pourtant, Internet est loin d'incarner une démocratie renouvelée, car les valeurs démocratiques ne sont pas plus gravées dans son histoire et dans ses modes de communication que dans son organisation.

En tant que norme de communication, internet est célébré pour son orientation résolument égalitaire. Aucune distinction n'y est faite entre un "serveur" délivrant des informations et un "terminal" à partir duquel un usager consulte ces mêmes informations. Une particularité qui frappe l'utilisateur du Minitel où la séparation est totale. Au plan technique, il serait tout aussi justifié de parler d'égalité que d'indifférence, de neutralité ou de transparence de la norme vis-à-vis de l'échange. En principe donc, tout consommateur est potentiellement producteur (et vice versa) comme si les sept millions de Minitel installés en France devenaient, du jour en lendemain, des centres serveurs. Mais la neutralité de la norme est loin de fonder une quelconque égalité, sociale celle-là, dans la communication.

Les déterminants socio-économiques ont la vie dure, et c'est en tout transparence que l'Internet réel les laisse voir. Un internaute averti dit tout haut ce que les statistiques révèlent plus discrètement : "Il n'y a pas de grande diversité humaine dans le cyberespace, qui est habité par des mâles de moins de cinquante ans disposant en abondance de temps d'accès à des ordinateurs, très habiles sur des claviers, aux opinions bien ancrées, d'une épouvantable timidité dans les contacts directs, surtout avec des personnes du sexe opposé."[5] Avec des sociétés de plus en plus fracturées, la crédibilité d'un accès facile pour tous à l'Internet ne dépasse guère le cercle des "connectés". Dans un pays comme la France, les quelques milliers de francs nécessaires à l'achat du matériel informatique excluent des millions personnes. La baisse des prix, souvent qualifiée de vertigineuse, ne résoud rien puisqu'elle est considérablement amortie par les politiques commerciale et éditoriale. "Pour faire de l'interactif et du convivial, il faut en effet des appareils de plus en plus puissants"[6] expliquait Jean-François Robert, responsable du secteur microinformatique de Carrefour, lors de la sortie de l'ordinateur multimedia "grand public" du distributeur, au tarif compétitif de 26 000 francs ! Dès lors, passer du stade de consommateur à celui de producteur relève du pari impossible. "Sans même parler des particuliers, constate un expert militant pour la diffusion d'Internet, l'ouverture d'un serveur Internet [Web] n'est pas à la portée de la première association venue. L'investissement en matériel informatique et télécoms est un premier obstacle de taille, puis très vite, la facture de télécommunications d'une ligne permanente devient extrêmement lourd pour de petits budgets. De plus, quoiqu'on en dise, les compétences techniques nécessaires restent élevées et rares, ce qui fixe des limites au bénévolat. Dans le monde associatif, l'une des priorité est de former des formateurs."

Une fois cette barrière franchie, la présence d'une expression -- originale ou non -- est, comme sur tout réseau de distribution, vaine sans un minimum d'audience. Or, la bataille pour la visibilité est déjà engagée entre offreurs de services commerciaux. Les uns passent des accords pour se référencer mutuellement sur leur serveurs respectifs. D'autres, forts d'une réputation naissante, monnayent le droit d'apparaître sur le placards publicitaires électroniques. En l'absence d'annuaire "officiel", le contrôle des répertoires devient un enjeux capital. L'absorption du Global Network Navigator, l'un des plus célèbres répertoires de l'Internet, par America Online, un prestataire de téléservices ayant pignon sur rue mais arrivé récemment sur le réseau, en est une parfaite illustration. Une réalité qui malmène quelque peu l'idée d'un Internet démocratiquement autorégulé, assurant le succès des meilleurs services par delà les puissances financières. Refrain d'une émulation saine et juste, allègrement entonné par les défenseurs du système.

Au final, la défense de l'égalitarisme naturel d'Internet s'appuie autant sur une myopie invraisemblable que sur une foi inébranlable dans un déterminisme technologique des plus grossiers. La plasticité des technologies de l'information devrait inciter à la plus extrême prudence... Les modes de communication entre les individus ne se résument jamais à une transposition mécanique des propriétés techniques des outils de médiation. Ainsi, le système télématique français, construit selon un modèle technique dissymétriques et hiérarchique, a-t-il connu la flambée des messageries roses, c'est-à-dire une forme de communication symétrique et transversale. Dans le même ordre de "contre emplois", la conception symétrique d'Internet n'évite pas un développement des comportements asymétriques de pure consommation qu'accélère la banalisation du réseau.

Par delà ses caractéristiques techniques, Internet est également un service de transport d'informations qui a donné une dimension nouvelle à certaines formes de communication. Parmi celles-ci, des groupes informels de discussion (ou news) sont fréquemment cités en tant que forme exacerbée de libre expression et de démocratie. Ils représentent des centaines de "lieux" thématiques de débat dans lesquels tout individu ayant accès au réseau peut participer sans la moindre formalité. La variété des sujet abordés reflète l'extrême diversité des centres d'intérêt. Ainsi seraient effectivement et pratiquement réunies les conditions du pluralisme et de la liberté d'expression. L'affirmation est pourtant contestable sans qu'il soit nécessaire de douter de la fidélité d'un constat dont seule la superficialité est en cause.

Les groupes de news ne sont pas des forums, des espaces publics, où la contradiction est portée librement. Ils fonctionnent comme des espaces privés-ouverts où la participation suppose l'adhésion implicite aux règles que s'est donné le groupe fondateur. C'est ainsi qu'un groupe de discussion sur la pénalisation de l'avortement, par exemple, sera implicitement interdit aux partisan(e)s de libre choix, et réciproquement. Cette règle, proche du droit de réunion n'a rien de choquant, mais elle est loin de concentrer à elle seule les principes démocratiques. S'il fallait réécrire la loi selon les news, nous verrions disparaître les droits de manifestation ou de diffusion de toute presse d'opinion sur la voie publique, au motif qu'ils porteraient atteinte la liberté de pensée des passants et des riverains[7]. Faut-il ajouter que de nombreux groupes de discussion sont "épurés" des interventions jugées inopportunes par un "modérateur", souvent bénévole et bien intentionné mais tout puissant ? L'absence d'espace commun et les limitations de l'expression contradictoire déclenchent une profusion d'espaces fractionnés et cloisonnés, montrant à l'envie que la multiplication n'est pas la quintessence du pluralisme.

A défaut de donner des leçons de démocratie, les news exploreraient de nouvelles dimensions de la communication susceptibles d'étendre demain le champ de la liberté d'expression à des "communautés virtuelles". Certes, les news améliorent l'échange au sein des communautés constituées tout comme elle permettent à des groupes communautaires partageant des référents de s'affranchir de distances et de temps qui rendaient leur rencontre improbables. En revanche, la création de cyber-communautés dans un espace décorrélé du monde réel est plus qu'hypothétique. John Perry Barlow, figure emblématique des réseaux électroniques, met en garde contre de telles illusions. "En 1987, j'ai entendu parler d'un "lieu" que je pourrais visiter sans quitter le Wyoming. A l'intérieur du WELL [Whole Earth `Lectronic Link], il me semblait y avoir presque tout ce qu'on peut trouver en allant dans une petite ville. [...] Depuis cette époque, mon enthousiasme pour la virtualité s'est refroidi. En fait, sauf si l'on compte l'interaction avec ceux avec lesquels j'échange du courrier électronique, je ne consacre plus guère de temps à m'engager dans des communautés virtuelles. La plupart des retombées à court terme que j'en attendais semblent rester aussi éloignées dans le futur qu'elles l'étaient lorsque je me suis connecté pour la première fois. Peut-être le resteront-elles toujours."[8]

Quant au fonctionnement de l'institution Internet, il porte la marque des origines du réseau, "pour l'essentiel, un monopole de secteurs relativement privilégiés, de personnes ayant accès à des ordinateurs dans des universités, etc."[9] Encore conviendrait-il d'y ajouter ce que Christian Huitema, président de l'Internet Architecture Board (IAB), appelle "l'esprit Internet [sic] hérité des idées libertaires des chercheurs qui ont développé ce réseau de réseaux dans les années 60."[10] Si cet esprit existe, il semble enfermé dans sa propre contemplation au point d'occulter les conditions qui ont présidé à sa genèse et à son développement. Tout ce passe comme si la "pensée Internet" était réfractaire à l'idée que le Réseau est un bien commun à l'ensemble de la société qui a travaillé pour le financer et pas uniquement à l'élite qui l'a élaboré, quel que soit son mérite. Elle se montre également rebelle à l'idée qu'une foule de nouveaux arrivants influe sur les règles établies par le noyau originel. "Il y des tas de règles de bonne conduite plus ou moins formelles dans les <<news-group>>, les réseaux d'utilisateurs. Un utilisateur qui ne les respecte pas s'expose à recevoir des milliers de lettres d'internautes qui essayent de refaire son éducation"[11]. Refaire son éducation ! La formule est d'un autre âge mais elle traduit l'état d'esprit des gardiens d'une certaine orthodoxie. Une fois intégré dans la communauté, "on considère que tous les utilisateurs ont les mêmes droits", proclame le président de l'IAB. Pourtant, lorsque vient le moment de décider, certains semblent être plus égaux que d'autres. "Comme toute société anarchiste, précise-t-il, l'Internet a dégagé une aristocratie constituée par ceux qui ont le plus apporté au réseau. Mais nous rejetons les rois, les présidents et aussi les votes car cela pourrait produire des décisions arbitraires". Brillants principes de reproduction et de légitimation d'un système mandarinal qui rappellent combien certains concepts fondateur d'Internet sont étrangers aux valeurs démocratiques.

L'ambiguïté idéologique n'est une exclusivité des instances officielles. Dans la nébuleuse Internet, L'Electronic Frontier Foundation (EFF)[12] en est un exemple frappant. En tant qu'association de défense des libertés, elle s'est engagée dans une bataille de longue haleine pour l'extension aux réseaux électroniques des garanties constitutionnelles prévues pour l'écrit (premier amendement). Elle s'est surtout distinguée en dénonçant à juste titre certaines pratiques de l'État américain et en prenant la défenses de victimes de violations de la liberté de communiquer. On pourrait s'étonner qu'une association affichant des positions plutôt radicales voit une grande partie de ses travaux financées par des compagnies telles AT&T, MCI, Bell Atlantic, IBM, Sun Microsystems, Apple ou Microsoft. L'explication communément admise est celle d'une convergence d'intérêts bien compris puisque tout obstacle à la liberté de communiquer serait un frein au développement de leurs marchés respectifs (informatique et télécoms). Pourtant, la question reste entière. Comment des firmes qui n'ont pas, loin s'en faut, bâti leur réputation sur la défense de la liberté d'expression, en général comme en leur sein, peuvent-elles adhérer à cette idée ? Tout simplement parce que la "liberté de communiquer" que défend l'EFF s'arrête à la porte des entreprises. C'est, en réalité, de ce "saussisonnage" du droit des citoyens dont les firmes s'accommodent volontiers.

Pire, lorsque l'EFF demande aux pays du G7 d'adopter comme principe fondamental la protection de la libre circulation des informations sur les réseaux électroniques, elle n'établit aucune distinction entre firmes et individus. Manque d'imagination, naiveté ou autocensure ? Peu importe aux lobbies industriels qui s'en satisfont pleinement. Ils préparent le terrain pour que les conflicts qu'ils savent inévitables tournent à leur avantage. La déclaration que trois d'entre eux -- auxquels émargent les grands argentiers de l'EFF -- ont adressée au même G7 ne s'encombrent pas de fausse pudeur : "Les lois sur la protection des données de certains pays interdisent ou restreignent la transmission d'informations personnelles à travers les frontières. Néanmoins, pourvu que les garde-fous nécessaires soient en place, les restrictions au nom de la protection de la vie privée ne doivent pas permettre d'empêcher le droit aux affaires [legitimate business] de s'exercer par des moyens électroniques à l'intérieur comme à travers les frontières."[13] Quelle convergence d'intérêts, bien compris ou non, justifie qu'une telle menace sur les libertés publiques ne soit pas dénoncée avec la même vigueur que les projets sécuritaires de certaines agences fédérales[14] ?

Ces silences ont un coût politique élevé. D'une part, ils laissent le champ libre à l'offensive idéologique visant à parer entreprises des atours d'une citoyenneté jusqu'ici réservée aux personnes. De l'autre, ils maintiennent l'illusion qu'entreprises et citoyens, sur un pied d'égalité, partagent fondamentalement des objectifs communs dans leur opposition à un État aux visées liberticides. Il suffirait d'accoler au mot "État" le qualificatif "tentaculaire" pour retrouver intacte une forme du discours libéral-populiste. Sur le terrain difficile des débats de société, bien des idées généreuses qui flottent dans "l'esprit internet" sont suffisamment floues pour être parfaitement réversibles. La droite américaine l'a parfaitement compris et se fait fort de les cimenter.

"Moins d'État, plus de libertés", tel est l'un des mots d'ordres du Cato Institute, une des "boîtes à idées" (think tank) qui alimentent la réflexion politique aux États-Unis[15]. Mariant des points de vues ouverts sur des questions de société à un ultra-libéralisme ravageur sur les questions économiques, ce think tank navigue tout à son aise dans les eaux troubles de l'esprit Internet. Il reprend la revendication de l'EFF d'étendre le premier amendement à tous les moyens de communication, mais en la replaçant dans la perspective d'une déréglementation absolue[16]. Le refrain d'une concurrence pure et parfaite fait ici écho à la fable de l'émulation saine et juste chère au coeur de nombreux promoteurs d'Internet.

Quant à garantir "l'accès de tous" à ces moyens de communication, la myopie de "gentils internautes" fait ici place à un discours construit. À l'administration Démocrate qui invoque la nécessité d'une réglementation pour assurer un minimum d'égalité, le Cato Institute répond : "Le vice-président Gore a réclamé un "accès garanti" aux services, signifiant que les fournisseurs seront obligés de fournir des services gratuits à certains clients. Dans les faits, les individus ont déjà un accès garanti à n'importe quel service disponible sur le marché tant qu'ils paient pour l'obtenir."[17] Après "l'économie de marché" et "le socialisme de marché", voici venir le temps de la "démocratie de marché"...

Autant dire que la déréglementation réclamée n'a rien à voir avec la "re-réglementation" qui agite le monde des télécommunication depuis de quelques années. Pour le Cato Institute, il s'agit de supprimer toutes les dispositions réglementant la communication afin de leur substituer le droit commercial ordinaire. L'idée a été reprise au vol par un autre think tank, la Progress and Freedom Foundation (PFF), particulièrement active sur le thème des réseaux électroniques, et travaillant pour le populiste ultralibéral Newton Gingrich, président Républicain de la Chambre des représentants. Elle demande la dissolution de l'organisme de réglementation des communication (Federal Communications Commission) ce qui reviendrait, en France, à supprimer le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Direction générale des postes et télécommuninications. Un chant qui sonne doux à bien des oreilles internautes sensibilisées par la crainte de voir la FCC, et ses équivalents à travers le monde, intervenir dans le fonctionnement du Réseau. Étrange mariage d'une défiance justifiée à l'égard d'organismes politico-bureaucratiques et d'une confiance illimitée dans les forces du marché...

Les think tanks investissent également l'imaginaire véhiculé autour d'Internet. Rejetant le cliché peu raccoleur d'autoroutes de l'information, ils préfèrent voir dans l'Internet une enclave conquise sur le cyberespace. Ils exploitent au passage le mirage de nouveauté radicale et d'extériorité propagée par un nombre important de promoteurs d'Internet. "Le cyberespace est l'ultime espace à coloniser", annonce l'un des textes fondamentaux de la PFF[18]. Phagocyté par les idéologues de la droite américaine, le concept a pour fonction d'ouvrir un espace en friche, vaste, libre, moderne, affranchi des pesanteurs du monde présent, où tout est possible, où chacun a sa chance[19]. En guise de boutade, on serait tenté de parfaire l'analogie avec l'imaginaire de la conquête de l'Ouest en ajoutant que les nouveaux colons n'auront qu'à "s'armer d'un Colt et d'un cheval". Malheureusement, la formule remise au goût du jour existe déjà dans l'imaginaire Internet : "équipé d'un micro-ordinateur et d'un modem", n'importe qui peut accéder à la masse d'informations et de savoir disponible sur le Réseau. Un conte de fée qui inspire les politiciens à la recherche de coupes dans les dépenses publiques.

Lorsque des ultra-libéraux prennent aux mots de doux rêveurs, les résultats sont souvent prévisibles. "Un peu de matériel informatique et beaucoup de déréglementation", les générations futures n'ont qu'a s'inspirer du héros de cyber-western porté aux nues par les théoriciens de la PFF : "le pirate informatique [hacker] qui a ignoré toutes les pressions sociales et violé toutes les règles afin de développer des compétences à travers l'exposition précoce et intense à une informatique omniprésente et bon marché. Ces compétences ont pu le ou la rendre hautement monnayable [sur le marché du travail] afin de développer des applications logicielles ou de mettre en place de réseaux."[20] Les même brillants auteurs qualifient les écoles "d'institutions de masse" héritées d'une ère industrielle désormais révolue. La glorification du hacker, "vital pour la croissance économique et la domination commerciale", n'annonce donc pas un appel général à l'insubordination mais des choix de politique éducative particulièrement inquiétants.

Faut-il pour autant brûler Internet ? La question semblera pathétique à ceux qui se définissent avant tout comme internautes. Elles paraîtra simplement déplacée aux milliers d'utilisateurs qui, sur Internet comme ailleurs, défendent les libertés démocratiques au quotidien. Comme le résume l'universitaire Jon Wiener, "Internet rend disponible d'immenses ressources d'informations à une échelle sans précédent. Il facilite les communications directes ce qui pourrait renforcer la démocratie. C'est aussi un plaisir. Mais ce n'est pas un nouveau monde de liberté, significativement différent du nôtre ; en termes de liberté de parole et de censure, de calomnie et de diffamation, de hiérarchies sociale et sexuelle, sans mentionner la publicité et le commerce.[...] La réalité virtuelle ne s'est pas affranchie des limites de la vie réelle"[21] On peut regretter qu'Internet soit le reflet de nos sociétés inégalitaires, déplorer que des débats de cette fin de siècle impriment leur marque sur les idées qui le traversent bien plus que le contraire. On peut aussi s'en féliciter car son immersion dans le monde réel signifie que les que le corps social a prise sur lui. Une chance, car on n'infléchit pas la trajectoire d'une bulle navigant dans le cyberespace. On ne peut que la contempler.

A. Torres




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Page réalisée par Asdrad TORRES
Dernière mise à jour : Jeu 13 juil 2000